Au Sénat, le “Big Beautiful Bill” de Trump sur la sellette

C’est de justesse que les sénateurs ont voté samedi 28 juin l’ouverture officielle des débats sur “le vaste programme de politique intérieure” de Donald Trump, rapporte The New York Times. Par 51 voix contre 49, dont celles des sénateurs républicains Thom Tillis et Rand Paul, qui ont voté avec les démocrates pour tenter de bloquer son examen. Un autre républicain, Ron Johnson, qui avait annoncé son intention de voter contre la motion d’ouverture, a changé d’avis après une rencontre avec le vice-président J. D. Vance, présent au Capitole tout au long de la journée.
Au cours de la matinée, Donald Trump avait de son côté convié Rand Paul à une partie de golf avant de décider de suivre depuis le Bureau ovale les tractations entre les dirigeants du Parti républicain, majoritaire au Sénat, et les réfractaires. Selon Bloomberg, il a même “menacé de trouver un concurrent républicain pour le siège de Thom Tillis”.
“Les dirigeants républicains ont maintenu le vote ouvert pendant plus de trois heures dans une ambiance pleine de suspense pendant qu’ils marchandaient avec les récalcitrants, au Sénat et à huis clos, afin d’obtenir leur soutien”, écrit le Washington Post. Quant aux démocrates, ils ont exigé que le texte, long d’un millier de pages, soit lu intégralement devant les élus avant le début des débats, “ce qui devrait prendre plus d’une douzaine d’heures et sans doute repousser la décision finale à lundi au plus tôt”, selon le New York Times. “Les républicains ne veulent pas dire à l’Amérique ce qui est dans le projet de loi, a expliqué Chuck Schumer, le leader des démocrates. Si nécessaire, nous resterons là toute la nuit.”
L’adoption définitive du texte “est loin d’être assurée”, estime le Washington Post, les nouvelles dispositions concernant le programme d’assurance santé Medicaid et les projets de suppression des crédits d’impôt pour les énergies propres de l’ère Biden, notamment, continuant à susciter des luttes intestines au sein des républicains.
Pour Donald Trump et ses partisans, l’enjeu est de concrétiser les promesses de campagne. À commencer la prolongation des crédits d’impôt adoptés en 2017, lors du premier mandat de Donald Trump, et les milliards de dollars supplémentaires alloués à la défense et à la lutte contre l’immigration, tout en réduisant drastiquement les dépenses consacrées aux programmes de protection sociale.
“Le projet de loi du Sénat prévoit 4 000 milliards de dollars de réductions d’impôts, soit un montant légèrement supérieur aux 3 800 milliards proposés par la Chambre des représentants”, précise NPR. Il alloue également 46,5 milliards de dollars à l’achèvement du mur érigé entre les États-Unis et le Mexique, 10 milliards de dollars à la sécurité des frontières et 5 milliards de dollars aux dispositifs douaniers.
En compensation, il faudrait notamment réduire de plus de 1 000 milliards de dollars le budget de Medicaid, le programme fédéral d’assurance maladie pour les personnes à faibles revenus et les personnes handicapées, et du SNAP, le programme d’aide nutritionnelle contre la pauvreté.
Une des versions du projet de loi actuellement débattues au Sénat “pourrait entraîner la perte de la couverture Medicaid pour plus de 10,9 millions d’Américains d’ici 2034”, selon les estimations du Congressional Budget Office, un organisme non partisan. “Les effets pourraient être catastrophiques”, prévient Jennifer Tolbert, directrice adjointe du programme de la fondation KFF concernant Medicaid. Le “Big Beautiful Bill” revient également sur les incitations fiscales en faveur des énergies renouvelables mises en place par Joe Biden.
Les démocrates soulignent l’impopularité du projet de loi dans la population. Selon les sondages, quelque 42 % des Américains y sont opposés, contre 23 % qui le soutiennent et 34 % qui déclarent ne pas avoir d’opinion, souligne NPR.
Thom Tillis, sénateur républicain de Caroline du Nord et candidat à sa réélection en 2026, a expliqué dans une déclaration circonstanciée qu’il s’opposait au projet de budget car “il entraînerait une perte de financement de plusieurs dizaines de milliards de dollars pour la Caroline du Nord, notamment pour nos hôpitaux et nos communautés rurales”. À la Chambre des représentants, où une première version du texte a été adoptée à une voix près, plusieurs élus républicains sont sur la même ligne.
Les chefs du Parti républicain espèrent néanmoins procéder au vote d’ici lundi. La navette parlementaire fera alors revenir le “Big Beautiful Bill” devant la Chambre des représentants. Dans un communiqué publié samedi, la Maison-Blanche a exhorté le Congrès à lui transmettre la version finale du projet d’ici le 4 juillet, date de la fête nationale, en prévenant que sa non-adoption constituerait “une trahison totale”.
Courrier International